Travail hybride

Travail hybride : est-ce la nouvelle norme ? Peut-on aller vers une entreprise 100% virtuelle ?

D’abord marginal en France, le travail hybride a convaincu les salariés de ses bénéfices. Les entreprises qui souhaitent faire marche arrière ont tout intérêt à y réfléchir à deux fois, si elles ne veulent pas faire face à une vague de démission, à l’instar d’Apple. Mais cette mutation peut-elle aller plus loin ? Demain, pourrions-nous travailler pour une entreprise 100% virtuelle ?

Après la crise sanitaire, 78% des Français veulent rester sur un modèle de travail hybride (source : BCG/Cadremploi). Selon un sondage OpinionWay, 38% des personnes interrogées se disent prêtes à quitter leur emploi si on leur imposait un retour au bureau à 100% de leur temps de travail. Ce chiffre grimpe jusqu’à 57% pour les moins de 35 ans.

S’il était encore marginal en France, le travail hybride a connu une croissance exponentielle au lendemain du premier confinement. Aujourd’hui, la majorité des salariés ne souhaite pas retourner au bureau du lundi au vendredi, de 9h à 18h.

Précurseurs en leur domaine, quelle est la position des géants du Net à ce sujet ? Cette mutation peut-elle être chassée aussi vite qu’elle s’est imposée, à la faveur des entreprises 100% virtuelles ? C’est déjà le cas pour l’entreprise américaine Larvol.

Travail hybride : de quoi s’agit-il ?

La définition de travail hybride couvre 2 grands domaines :

  • La flexibilité de lieu
    L’entreprise et le salarié se mettent d’accord pour que celui-ci puisse exercer ses missions en dehors du bureau. En général, le salarié travaille de chez lui mais il peut également privilégier les espaces de coworking ou même changer de pays si l’employeur le permet.
  • La flexibilité horaire
    Le salarié a la possibilité d’aménager son temps de travail comme il le souhaite. Il doit cependant respecter certaines heures d’activité communes pour faciliter le travail d’équipe.

Quelle est la différence entre travail flexible et travail hybride ?

Entre les deux termes, la frontière est mince : la notion de travail hybride se limite aux jours de présence au bureau et les jours de télétravail (chez soi ou dans un tiers-lieu).

Celle de travail flexible couvre un spectre un peu plus large car elle inclut l’aménagement du temps de travail. Si besoin, le salarié et l’entreprise s’accordent sur des horaires de travail atypiques :

  • Temps partiel : temps de travail inférieur à la durée légale du travail ou à la durée fixée par la convention d’entreprise.
  • Temps partagé : deux salariés travaillent sur le même poste mais se partagent les heures de travail.
  • Temps de travail compressé : fait de travailler à temps plein mais sur un nombre de jours réduit.
  • Heures annualisées : le salarié accomplit ses heures de travail quand il le souhaite durant l’année. Cependant, l’entreprise peut lui demander de respecter des horaires communs aux autres salariés.
  • Horaires décalés : le début, la fin de journée ainsi que la pause méridienne du salarié diffèrent des autres salariés.

Quels sont les avantages et les inconvénients du travail hybride?

Perception du travail hybride du point de vue du salarié

Le premier avantage du travail hybride est l’augmentation de la productivité. L’absence – ou du moins, la réduction – d’interruptions et de bruit ambiant permet au salarié de mieux se concentrer sur ses tâches, plutôt que de jongler entre les différentes demandes.

Le deuxième avantage est l’absence de trajet. Plus de temps de repos et moins de stress lié aux éventuelles perturbations de transport représentent l’équation gagnante pour augmenter le bien-être du salarié.

Troisième (mais non dernier) avantage du travail hybride : un meilleur équilibre de vie. Sans la contrainte d’horaires de travail fixes, il est plus facile pour le salarié de concilier vie privée et vie professionnelle.

Selon l’étude «Decoding Global Ways of Working» menée par BCG/Cadremploi, 78% des Français interrogés veulent rester sur un modèle de travail hybride.

Cependant, le travail hybride, à 100% de surcroit, ne convient pas à tout le monde.

La première raison invoquée est l’isolement. L’absence d’interactions sociales et d’échanges sans écran interposé peuvent sérieusement peser sur le moral et la santé du salarié.

Si certains salariés parviennent à respecter la frontière entre vie privée et vie professionnelle lorsqu’ils sont à leur domicile, d’autres au contraire vont dans l’extrême inverse. Une hyperconnexion qui peut les mener au burn-out.

Selon le cabinet Empreinte Humaine, leader en santé sécurité psychologique au travail, 49% des salariés interrogés au 4e trimestre 2020 se déclaraient en détresse psychologique. Ils étaient 42% en mai 2020.

Cette frontière est d’autant plus difficile à respecter si le salarié ne dispose pas d’un espace aménagé pour le travail. L’absence de matériel adapté (chaise de bureau, réhausseur d’écran) ou la diminution des activités physiques contribuent à augmenter sévèrement les troubles musculosquelettiques (TMS) et les lombalgies.

Santé Publique France a mené une étude avant et après le premier confinement de mars 2020 sur une population salariée en activité. La lombalgie a touché 2,5 plus de salariés nouvellement placés en télétravail.

Atouts et inconvénients du travail hybride pour l’entreprise

Le loyer représente le plus gros poste de dépenses pour les entreprises, juste après les ressources humaines. Avec le travail hybride, elles ont désormais la possibilité de réduire leur facture soit en se séparant d’une partie de leurs locaux, soit en les louant.

Néanmoins, la réorganisation de l’espace de travail en entreprise doit amener à une réflexion plus profonde : quelles sont les raisons qui motivent les salariés à revenir partiellement au bureau et comment répondre à leurs nouvelles attentes ? Quelles habitudes de travail en équipe se sont ancrées durant le télétravail et comment les adapter en physique ?

Le deuxième atout du travail hybride pour l’entreprise est une plus grande implication des salariés. En prenant en compte leur bien-être et en mettant en place l’organisation adéquate, ces derniers sont davantage investis dans leurs missions. Comme nous l’avons vu en début d’article, ils sont les premiers à constater une hausse de productivité lorsqu’ils sont en télétravail.

Dans un secteur où la pénurie de talents tech est exponentielle, les entreprises doivent se démarquer pour les attirer. Elles gagnent indéniablement en attractivité si elles proposent à leurs futurs employés un mode de travail hybride.

Dernier avantage et non des moindres, le fait de ne plus être limité géographiquement permet aux entreprises d’accéder à un plus grand nombre de candidats. Alors que les talents tech sont aussi rares qu’ils sont chers en France, aux États-Unis ou au Royaume-Uni, d’autres pays produisent de nombreux ingénieurs. Les pays de l’Est, tels que la Roumanie, sont devenus la destination privilégiée des entreprises qui accèdent aux talents tech en choisissant l’outsourcing ou bien le freelancing.

D’après un sondage OpinionWay pour Slack mené en juillet 2021 auprès de 1032 salariés, 38% d’entre eux se disent prêts à quitter leur emploi si le retour en présentiel à 100% était imposé.

Mais avant d’arriver à ce niveau de maturité, les entreprises doivent veiller à disposer des moyens techniques nécessaires pour assurer une continuité dans le travail et sans friction.

Cela passe par des accès à distance sécurisés, ainsi que des outils de communication et de travail collaboratifs assimilés par tous les employés.

Le management doit également refléter l’adaptation de l’entreprise.
La distance peut susciter un sentiment de perte de contrôle, qui se traduit par une surveillance accrue ou des demandes faites sans tenir compte des heures de travail.

Enfin, l’explosion du travail hybride et son ancrage dans nos modes de vie doivent amener à repenser la culture d’entreprise. Comment la faire vivre lorsque celle-ci se divise en micro-entités et que les rencontres sont de moins en moins nombreuses ?

Quelles sont les tendances chez les géants du Net ?

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Google, Amazon et Apple forcés de faire marche arrière

Du côté de Google, il est possible d’opter pour le télétravail à 100%, mais ce n’est pas sans conséquence sur le salaire. En effet, la société américaine a choisi de l’indexer au lieu de résidence. Son calculateur prend en compte plusieurs critères, tels que le coût de la vie sur place, de l’immobilier ou encore des services.

Or, ce calculateur a rapidement suscité la polémique, comme le soulève l’agence Reuters.

Un employé chez Google qui habiterait à Stamford, soit à 1h de train des bureaux Google de New York, serait payé 15% de moins que son collègue dont le lieu de résidence serait plus proche des bureaux.

Si la revalorisation du salaire selon le lieu de résidence après une mutation n’a rien de nouveau, elle pose problème pour les salariés qui n’ont pas déménagé mais qui acceptaient jusqu’alors de faire plusieurs heures de trajet pour se rendre au bureau.

Amazon souhaitait que ses employés, pour qui le télétravail était compatible avec leurs missions, retournent au bureau à 100% de leur temps dès l’automne 2021. Il a finalement opté pour un mode de travail hybride, autorisant 2 jours de télétravail pour 3 jours en présentiel.

Cependant, en raison des évolutions de la situation sanitaire, le géant de la vente en ligne a préféré repousser le retour au bureau à janvier 2022.

Même son de cloche chez Apple, qui prévoyait un retour à temps plein de ses employés dès septembre. Cependant, la firme à la pomme a dû revoir sa copie après un large mouvement de contestation, qui a été suivi par une vague de démissions. À l’instar d’Amazon, Apple a finalement accepté d’octroyer 2 jours de télétravail pour 3 jours de présentiel. Mais là aussi, le calendrier ne sera appliqué qu’en janvier 2022 en raison de la propagation du variant Delta.

Travail hybride : Mark Zuckerberg ouvre la voie

Si le télétravail permanent devait être le privilège des plus expérimentés, Facebook a finalement choisi de l’étendre à tous ses salariés. Dans un mémo transmis à ses employés en juin dernier, Mark Zuckerberg a déclaré qu’il prévoyait télétravailler au moins la moitié de l’année dès 2022. Ses motivations : une meilleure concentration et la possibilité de passer plus de temps avec sa famille ont eu des effets bénéfiques sur sa productivité.

Facebook va plus loin et a choisi d’accompagner les salariés qui souhaiteraient déménager au Canada pour ceux qui vivent aux États-Unis, et au Royaume-Uni pour ceux qui résident en Europe. Néanmoins, ce changement de lieu de résidence aura des répercussions sur le salaire.

Tour d’horizon du travail hybride en Europe

Outre-Rhin, le gouvernement allemand travaille sur une proposition de loi visant à renforcer la protection des salariés en télétravail, notamment en séparant de façon plus explicite le travail et la vie personnelle.

En Finlande, c’est une loi promulguée en 1996 qui autorise le travail flexible. Celle-ci doit être revue à l’aune de la crise sanitaire et permettre aux salariés finnois d’organiser jusqu’à 50% de leur temps de travail.

Au Royaume-Uni, le travail hybride s’inscrit comme un droit. Ainsi, les salariés qui ont travaillé 26 semaines de suite pour le même employeur peuvent faire une demande, appelée «statutory application».

Les entreprises ont-elles d’autres choix que le travail hybride ?

Télétravail

Travail hybride : réflexion sur un changement profond du monde du travail

Afin que la transition se fasse sans friction, il paraît essentiel de se saisir du sujet pour adapter les modes de travail, repenser le travail en équipe mais à distance, donner un nouveau sens à l’entreprise et à ce qu’elle représente.

Le travail hybride n’est pas simplement la transposition à domicile de ce qui se faisait au bureau. Outre les contraintes techniques, il doit plus que jamais prendre en compte les aspirations de chaque individu et faire preuve de vigilance quant aux différents signaux qu’il peut envoyer.

Cette adaptation doit être le fruit d’un travail continu, collectif et décloisonné.

L’enquête signée Workplace Intelligence et Savanta révèle que 67% des dirigeants d’entreprise prévoient de garder à une organisation de travail hybride après la pandémie.

Demain, vers une entreprise 100% virtuelle ? L’exemple de la société Larvol

Créer une entreprise 100% virtuelle n’a pas été une décision mûrement réfléchie par son CEO Bruno Larvol, mais une opportunité dont il s’est emparé.

Le déclic ? Après avoir posté une offre d’emploi, il reçoit la candidature d’une personne vivant en Inde, diplômée d’un doctorat et d’un MBA. Un profil hyper qualifié pour un salaire bien en-dessous de ce que l’on trouve dans la Silicon Valley : il ne lui en fallait pas plus pour le convaincre des atouts du travail à distance.

Créée en 2004, son entreprise compte aujourd’hui plus de 100 collaborateurs répartis entre les États-Unis, l’Amérique latine et l’Inde.

Pour Bruno Larvol, l’entreprise 100% virtuelle apporte de nombreux bénéfices :

– L’accès illimité à un talent pool ultra qualifié (travailleurs sur place ou digital nomads en freelance)
– La flexibilité

Découvrez l’interview de Bruno Larvol : Les secrets de l’entreprise 100% virtuelle

Culture et entreprise 100% virtuelle peuvent-elles être compatibles ?

S’il admet que c’est plus compliqué, pour Bruno Larvol il est tout à fait possible de créer une culture d’entreprise même si cette dernière est 100% virtuelle. Pour y parvenir, il a fait de la transparence et de la communication les pierres angulaires de sa société.

D’abord, le rôle du manager est primordial car il doit pouvoir détecter les non-dits qui traduiraient un malaise dans son équipe.

Ensuite, l’engagement et les intentions du collaborateur. Selon Bruno Larvol, travailler à distance à 100% de son temps demande une réelle volonté car la solitude peut être difficile à supporter.

Ainsi, de façon presque innée, les collaborateurs qui rejoignent son entreprise démontrent une plus grande implication.

Pourquoi Bruno Larvol a rapidement écarté l’idée d’une organisation de travail hybride

Selon lui, il est tout à fait possible de passer d’une entreprise 100% virtuelle à une entreprise physique, ou du moins un mode de travail hybride, mais pas l’inverse.

À partir du moment où certains collaborateurs se rencontrent «en vrai» et d’autres, par choix ou obligation, privilégient le travail à distance, un déséquilibre dans les relations et le sentiment d’appartenance à l’entreprise se crée.

Si la majorité des salariés sont en faveur du travail hybride sur le long-terme, les exemples des GAFA montrent que les entreprises ne sont pas aussi enthousiastes. Les décisions prises unilatéralement ont montré leurs limites et il semble à présent impossible de décider de l’avenir d’une entreprise sans écouter ceux qui la font vivre.

Le modèle d’entreprise 100% virtuelle doit ouvrir le champ de réflexion des entrepreneurs en devenir : pourrait-il s’imposer plus vite qu’on ne le pense ? Et dans ce cas, comment faudrait-il concevoir les échanges et les interactions entre salariés, au-delà de l’écran ?

À l’heure de l’hyper-digitalisation, nous pouvons nous interroger sur l’évolution de la part social de l’Homme, des menaces qui pèsent sur elle ou au contraire, des enrichissements qui sont à venir.

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