Digital Nomad depuis 10 ans, Fabrice Dubesset est l’auteur du livre Libre d’être digital nomad paru aux éditions Diateino. Il revient pour SkillValue sur son expérience personnelle et sur l’ampleur prise par ce mode de vie, que la crise de la Covid-19 et la digitalisation du monde du travail participent à accélérer.
1. Tu as publié en septembre 2020 ton livre Libre d’être digital nomad. Après 10 ans de nomadisme digital, qu’est ce qui t’a poussé à écrire ce guide ?
Une collaboratrice des éditions Diateino m’a contacté : elle suivait depuis longtemps mes podcasts et trouvait intéressant de réaliser un livre sur ce thème très tendance. De mon côté, j’ai immédiatement été enthousiaste à l’idée de me lancer dans l’aventure. Ce projet, c’est un peu la concrétisation de 10 ans sur la route ! Je l’ai tout de suite envisagé comme une belle aventure créative, et l’opportunité de partager ce que j’ai appris durant toutes ces années de nomadisme digital.
2. Tu y parles de la « révolution digital nomad ». Comment se matérialise-t-elle selon toi ? Comment as-tu vu évoluer la popularité de ce phénomène ?
Ce phénomène a pris une importance croissante ces deux dernières années. On assiste à une véritable démocratisation du télétravail, qui est de plus en plus médiatisé. Ce sujet a permis de mettre un coup de projecteur sur le nomadisme digital, autrefois considéré comme marginal et aujourd’hui accessible à certains salariés par le biais du télétravail.
D’autre part, la crise sanitaire que nous traversons actuellement entraîne d’importantes remises en question d’ordre existentiel. De nombreuses personnes s’interrogent sur leurs choix de vie et leurs priorités, notamment en termes d’orientation professionnelle. D’ailleurs, mon livre est sorti dans une nouvelle collection des éditions Diateino, tournée vers le développement personnel et professionnel. Le nomadisme digital se situe précisément à la croisée de ces deux thématiques !
3. Qu’est-ce que la crise sanitaire liée à la Covid-19 a changé ou va changer pour les nomades digitaux ou ceux qui souhaitent le devenir ?
On en a parlé, la crise de la Covid-19 a permis d’accélérer le passage au télétravail, un mouvement qui progressait timidement depuis quelques années. Même si les nomades digitaux restent à l’heure actuelle majoritairement freelances, les salariés peuvent désormais envisager eux aussi ce mode de vie. De ce point de vue, la crise sanitaire a largement encouragé les personnes cherchant un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle à sauter le pas…
En termes de mobilité, même si les déplacements sont devenus plus compliqués, cette crise affecte plus le backpacker lambda que le digital nomad : une fois arrivé à destination, respecter une quarantaine locale n’est pas un problème lorsqu’on n’a pas vraiment de contraintes de timing et qu’on a prévu de rester plusieurs semaines ou mois dans le pays !
4. Peut-on selon toi parler de professionnalisation autour du nomadisme digital ?
Je pense qu’il est important de rappeler que le digital nomadisme est avant tout un mode de vie, pas un métier. Les nomades digitaux ont toujours eu des professions relativement variées, mais il est vrai qu’on assiste aujourd’hui à une diversification intéressante des profils.
De nombreux métiers se digitalisent et permettent donc de travailler à distance, ce qui facilite clairement le passage du statut de salarié à celui d’indépendant. Une fois freelance, il n’y a plus qu’un pas à franchir pour devenir digital nomad !
5. Tu participes toi-même à l’expansion de ce phénomène avec les ressources que tu proposes pour ceux qui souhaitent devenir nomades digitaux. Peux-tu nous en parler plus ?
Effectivement, j’ai lancé en 2015 un podcast via mon blog Instinct Voyageur dans lequel j’invite des voyageurs, expatriés ou nomades digitaux, à parler de leur quotidien. Je parle aussi d’indépendance, de choix de vie, et de création de contenu.
Depuis 2017, j’organise également le Digital Nomad Starter, le premier événement francophone consacré au nomadisme digital. D’ailleurs, pour les personnes n’ayant pas pu y assister, la formation que je propose sur mon site regroupe les 6 conférences du Digital Nomad Starter 2019 en replay.
Le fait qu’une maison d’édition s’intéresse à ce sujet montre également que le phénomène est effectivement en pleine expansion !
6. Par rapport à tes « débuts » en 2011, est-ce que le profil des nomades digitaux a évolué depuis 10 ans ? Y a-t-il un profil type en 2021 ?
En une décennie, les métiers et les statuts des personnes qui pratiquent le nomadisme digital se sont considérablement diversifiés. De plus en plus de salariés sont concernés, et cette tendance va certainement s’accentuer dans les années à venir. On assiste par exemple à la création de nouveaux modèles d’entreprises, qui fonctionnent en “100% remote”, avec des employés dispersés aux 4 coins du monde.
7. Justement, SkillValue est une plateforme qui met en relation développeurs et experts du digital avec des entreprises ou des porteurs de projet à la recherche de freelances. Selon toi, le métier de développeur est-il adapté au nomadisme digital ?
Les plateformes telles que SkillValue ont pris de l’ampleur ces dernières années, car le nombre d’indépendants a considérablement augmenté. Elles ont certainement permis à certains nomades digitaux de sauter le pas !
Quant au métier de développeur, il fait partie des premiers métiers associés au digital nomadisme : c’est un profil professionnel tout à fait adapté à ce mode de vie.
8. On parle dans notre guide sur le nomadisme digital des nombreuses idées reçues autour de ce mode de vie et de travail. Au cours de tes rencontres, de tes formations ou de la perception de ta façon de vivre de ton entourage, en as-tu fait l’expérience ?
Bien sûr ! J’y consacre tout un chapitre de mon livre, car je trouve que c’est important de montrer la réalité derrière les clichés. C’est essentiel de bien se représenter ce mode de vie tel qu’il est réellement, aussi bien pour notre entourage que pour les personnes qui souhaitent se lancer dans l’aventure. Un nomade digital ne passe pas ses journées à pianoter sur son laptop au bord d’une piscine…
9. Quelles sont selon toi les qualités principales dont doit faire preuve un digital nomad ?
Avoir une grande capacité d’adaptation, être flexible et pouvoir assumer une certaine insécurité globale. L’insécurité financière qui est une réalité pour les indépendants, mais aussi le fait de ne pas avoir de base géographique fixe peut s’avérer très déstabilisant pour certains.
10. Quel est l’inconvénient majeur de ce mode de vie ?
L’aspect social est sans doute le point négatif le plus récurrent. La solitude est très présente dans le quotidien du digital nomad. Paradoxalement, il s’avère à la fois relativement facile de faire des rencontres sur la route mais assez difficile d’entretenir des relations à long terme lorsqu’on voyage continuellement.
Pour cette raison, de nombreux nomades digitaux reviennent se poser chez eux pour retrouver leur famille et leurs amis de longue date. Le gros avantage de ce mode de vie est qu’un digital nomad a un cadre professionnel plus souple, qui lui permet de rentrer s’il le souhaite, ou repartir dès qu’il en a envie !
Personnellement, je n’ai jamais totalement coupé avec la France : je passe au moins 3 ou 4 mois chaque année ici. Cela me permet de conserver des liens solides avec mes proches, et de pouvoir envisager plus facilement un retour de longue durée dans le futur.
11. Explorer des villes inconnues, siester à l’ombre des cocotiers, planifier son prochain voyage… Les nomades digitaux sont perpétuellement soumis à la tentation ! Comment fais-tu pour équilibrer travail et découvertes quand tu es en vadrouille ?
Cela peut constituer un véritable défi pour certaines personnes qui éprouvent de réelles difficultés à être productives sous les tropiques… Travailler en contexte de voyage nécessite une vraie discipline, plus rigoureuse encore que lorsqu’on est pris dans une routine de bureau, en hiver à Paris !
La tentation de profiter du pays peut parfois être un obstacle à la productivité, mais d’un autre côté, travailler dans un endroit plaisant apporte un vrai plus pour le “mindset”.
Chacun a sa stratégie pour être efficace dans le travail : certains mettent en place une routine quotidienne avec des horaires dédiés à l’une ou l’autre activité, d’autres préfèrent travailler à fond durant 15 jours et partir ensuite en exploration.
Devenir digital nomad permet de trouver un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et donc avoir davantage de temps pour voyager, découvrir, et vivre pleinement ses passions.
Selon moi, on ne devient pas digital nomad pour travailler sous pression 12 h par jour et finalement transposer son mode de vie antérieur à un nouvel environnement, quel qu’il soit !
12. Quels conseils donnerais-tu à un futur digital nomad ?
- Teste-toi : si tu n’as jamais travaillé en contexte de voyage, il est sans doute plus raisonnable de partir quelques semaines dans cette optique avant de tout quitter définitivement !
- Trouve une activité qui te plait, et que tu auras envie d’exercer sur une longue période, une activité pour laquelle tu bénéficies d’une réelle expertise et qui te garantit des revenus réguliers.
- Rapproche-toi de personnes qui ont le même projet, participe à des événements pour échanger, discuter, et rencontrer d’autres nomades digitaux afin de ne pas souffrir de la solitude.
13. En quoi ce mode de vie a-t-il changé ta vision du monde ?
Ma vie de digital nomad m’a permis de rencontrer des personnes aux parcours et aux profils extrêmement variés, exerçant des activités très diverses aux 4 coins du monde. Pour moi, cette expérience a définitivement ouvert le champ des possibles !
Fabrice Dubesset, auteur du livre « Libre d’être digital nomad » paru aux éditions Diateino
Merci à Fabrice Dubesset pour son témoignage et à Sabine André qui a mené l’interview !
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